L’intégration de l’intelligence artificielle au cœur de la production de programmes radio suscite une vague de réactions contrastées aux États-Unis. La semaine dernière, le Country Radio Seminar 2024 réunissait les cadres de nombreuses stations américaines. L’événement a catalysé l’exploration des nouveaux modes de production autorisés par l’IA. Il a aussi permis à Jacobs Média de révéler les impressions des auditeurs face à l’accélération des usages innovants de l’IA à la radio.

À Nashville, le CRS réunit habituellement les radios de format Country mais, cette année, l’IA a élargi la discussion pour aborder l’innovation technologique. Le 29 février et le 1er mars dernier, le forum a réuni des professionnels de la radio de tous horizons pour envisager les applications futures de l’IA. La mise en exergue de l’intelligence artificielle et des évolutions de son intégration à la production de programmes révèle une transition significative de la perception et de l’utilisation de cette technologie par les professionnels du média. En 2023, l’événement avait été marqué par la méfiance et le scepticisme des acteurs. L’édition 2024 du CRS a démontré un virage dans l’attitude des participants. Le séminaire s’est transformé en plateforme pour le partage d’expériences ; un déplacement des inquiétudes vers une reconnaissance des opportunités de cette technologie.

Malgré une certaine réserve sous-jacente chez certains, préoccupés par une éventuelle mauvaise utilisation de l’IA, le dialogue a principalement porté sur la manière dont les audiences percevaient et pouvaient tolérer l’usage de l’IA dans la production radiophonique. L’occasion était belle pour Fred Jacobs (Jacobs Média) de présenter de nouveaux résultats de l’enquête Techsurvey 2024. Avec plus de 31 000 répondants, elle a cherché à comprendre cette perception à travers trois applications spécifiques de l’IA en radio : la production de publicités, l’habillage des stations, ainsi que les émissions animées par IA.

Premières impressions sur l’IA à la radio

Les premiers résultats présentés par Jacobs Media indiquent une acceptation variable de l’IA par les auditeurs. Ils révèlent également une forte réticence à voir les talents entièrement remplacés par des voix artificielles.

« 72 % des personnes interrogées s’inquiètent du remplacement des talents à l’antenne par des voix de synthèse » Fred Jacobs au CRS 2024

• Production publicitaire : l’acceptation modérée des voix de synthèse dans la publicité suggère un potentiel pour des applications non intrusives, pour enrichir le contenu (par exemple plus d’adaptations locales) sans compromettre l’authenticité.
• Habillage : une tolérance limitée pour l’usage de voix issues de l’IA dans les éléments d’identification de la station incite à une intégration très mesurée dans ce domaine, valorisant la préservation de l’humain.
• Contenu éditorial : la résistance importante face à l’idée de remplacer les animateurs par des voix de synthèse indique une limite claire dans l’acceptation de l’IA, réaffirmant l’importance de l’authenticité et de la personnalité à l’antenne.

Extrait de la présentation Jacobs Media

Au-delà des voix de synthèse : l’éventail des possibilités de l’IA

Durant le CRS 2024, les représentants des groupes les plus influents de l’industrie radiophonique américaine (iHeart, Audacy, Sirius XM, …) s’accordaient au moins sur un point : limiter la vision de l’IA en radio au remplacement des voix humaines est un raccourci dangereux pour le média ; l’IA promet de transcender la simple substitution des voix pour embrasser des dimensions d’innovation et d’expansion cruciales pour le futur de la radio.

• Augmenter la créativité : l’IA comme outil pour dépasser les barrières créatives et proposer des contenus originaux.
• Optimisation des stratégies publicitaires : l’IA pour, par exemple, augmenter l’efficacité des campagnes par un ciblage toujours plus précis.
• Bien-être et productivité : en automatisant les tâches répétitives, l’IA permet aux équipes de se focaliser sur des activités à plus grande valeur ajoutée.
• Engagement des auditeurs : une analyse fine des préférences grâce à l’IA améliore le ciblage du contenu pour renforcer la connexion avec l’audience.

Face aux experts invités, des responsables de radios mentionneront de nombreuses utilisations actuelles de l’IA : lors d’enregistrements dans des conditions acoustiques précaires (pour maintenir un niveau de qualité « studio »), la génération de contenus visuels pour les réseaux sociaux, la création d’interventions courtes d’auditeurs « de synthèse » destinées à l’habillage des stations, ou encore la création automatique de questions destinées aux jeux.

IA et programmation musicale : facteur clé de succès selon iHeart

Comme en écho au CRS 2024, ce mardi 5 mars, Robert Pitmann, PDG d’iHeart s’exprimait à la conférence annuelle Technology, Media & Telecom organisée par la banque Morgan Stanley. Face aux investisseurs présents, Pitmann entama sa prise de parole par une question rhétorique : « Nous avons la même musique que tout le monde, comment se fait-il que nous soyons numéro 1 et que quelqu’un d’autre soit numéro 20 ? ». Selon lui, la réponse à cette interrogation repose sur l’intégration de l’IA dans le processus de sélection et de programmation des titres : là où, par le passé, trois sources de données étaient utilisées pour aider les équipes dans la prise de décision, elles seraient désormais parfois plus de 3000, traitées par l’IA. Toujours selon le PDG d’iHeart, sur certains marchés, iHeart aurait expérimenté le fait de laisser l’intelligence artificielle prendre les décisions finales, ce qui aurait mené à une amélioration des audiences d’environ 10 %. Conclusion pour Robert Pitmann : « Nous pouvons réduire le temps consacré à certaines tâches et accroître la productivité. Et ce n’est qu’un exemple de la façon dont nous avons l’intention d’utiliser l’IA ».

Vers une nouvelle ère de la radio

L’avenir de la radio semble donc résolument lié à l’intégration de l’intelligence artificielle, en respectant une certaine éthique et en préservant l’authenticité et la personnalité qui caractérisent le média. En attendant de premières études européennes, les résultats complets de Techsurvey sur l’intelligence artificielle fourniront sans doute davantage de clés pour comprendre et s’adapter à cette évolution. La collaboration entre humains et IA s’annonce comme l’un des piliers potentiels d’une radio renouvelée, toujours plus pertinente et plus proche de ses auditeurs.

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